Rapport sur la République de Crimée Report about the Crimea Republic

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Cl: 15 fevrier 1922

La République de Crimée et les soviets

Par décret du comité exécutif centrale de Russie et du Conseil des Commissaires du peuple du 18 octobre 1921 la Crimée obtenait le droit à l’autonomie. En vertu de ce décret publié dans l’organe official des Soviets, les Izvestia de Moscou du 19 octobre 1921, la presqu’île de Crimée avec pour centre administrative Simfédropol formait une république autonome à la fois soviétique et socialiste unie à la grande fédération russe.

La république de Crimée avec le district de Djankoï, Eupatoria, Kertch, Sébastopol,Théodosia et Yalta est administée par les soviets locaux et par un comité exécutif centrale uni au Conseil des Commissaires du people de Crimée.

Des commissariats ont été créés pour la gérance des affaires. Ils sont au nombre de douze: Intérieur, Justice, Instruction publique, Hygiene, Assistance public, Agriculture, Ravitaillement, Finances, Travail, Economie nationale, Inspection ouvrière, Statistique, Economie communale et Services de liaison. Toutefois, pour des raisons à la fois politiques et économiques, le gouvernement de Moscou s’est réservé un contrôle mmédiate sur la plus grande partie desdits commissariats  et tous les décrets en vigueur en Russie soviétique sont également applicables à la Crimée. De plus, pour bien remarquer la situation que le gouvernement de Moscou occupe dans les affaires intérieures et extérieures de la République de Crimée la direction de la Guerre, de la Marine, des voies de communications et des Affaires Etrangères reste dans les mains des organes soviétiques de Moscou. Il n’est pas jusqu’à l’administration des lieux de villégiature, des villes d’eaux qui ne soit de par le décret du 18 octobre 1921, placée sous la dépendance immédiate de Moscou. Autrement dit, tous les fonctionnaires, chefs d’administra-

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tion commandant etc. Conservent leur emploi et suivent les directions de Moscou. Seuls les commissariats de l'Intérieur, de la Justice, de l'Instruction publique, de l'Hygiène, de l'Assistance Publique conservent une autonomie relative étant à la fois responsible devant le Comité exécutif de la Crimée, devant Conseil des Commissaires de Moscou.

La constitution de la République de Crimée a quelque resemblance avec les constitutions des républiques “autonomes” du Caucase, Géorgie, Azerbaïdjan,

Arménie, etc., instituées par le gouvernement soviétique russe. Elle est une reproduction plus exacte de la constitution de la République du Turkestan qui, de même que les république des Tatares, des Kirghizes, etc, n’ont d’autonome que le nom ou plus exactement, comme le proclame l’organe des Soviets pour la propagande dans l’armée, le Soldat Rouge de Moscou(18/12-21) ces républiques jouissent d’une autonomie “régionale” et non “nationale”. Deux autonomies qu’il ne faut pas confondre, dit le journal soviétique:

‘’Le pouvoir des soviets ne reconnaît point l’autonomie nationale, par contre il favorise entièrement le désir des peoples de posséder une autonomie régionale’’.Par autonomie régionale des soviets entendent accorder le droit à l’autonomie au monde des travailleurs d’une région, d’une province, d’un pays quelle qu’en soit leur nationalité. Il ne saurait donc être question d’accorder l’autonomie à une nationalité au detriment de l’autre.

‘’Le pouvoir des soviets ne serait favoriser un mouvement nationaliste quelconque dans les formes qui se sont manifestées au Caucase, en Ukraine, dans la république desTartares, etc. Ces formes essentiellement bourgeoises n’ont d’autre but que de réduire à l’esclavage les classes laborieuses indigenes’’.

Cependant les dernières informations reçues à Paris par le représentant  officieux de Crimée ALEMDAR ZADI MUNIR HAIRI feraient espérer une reconnaissance plus complete de l’autonomie de la Crimée. Une procla-

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mation publiée a Simféropol, Le 10 janvier dernier par la delegation tatare, retour de Moscou annonce ce qui suit:

‘’Le gouvernement de Moscou a reconnu en principe le droit à l’indépendance de la Crimée. Nous avons présenté et précisé le maximum de revendications tatares dans les cinq articles suivants que le gouvernement de Moscou a approuveés:

1/La reconnaissance de l’indépendance complète de la Crimée.-

2/La Crimée a son indépendance entière pour ses affaires intérieures et extérieures. 3/La langue par tatare sera la seule langue officielle de la Crimée, mais le gouvernement Tatare s’engage à faire continuer l’enseignement de la langue russe dans les écoles.- 4/La frontière du gouvernement tatare de Crimée sera precisé d’après les bases technologiques et dans un délai de six mois. 5/Le gouvernement tatare s’engage à considérer le gouvernement de Moscou comme un gouvernement allié et ami et à ne faire aucune démarche s’opposant aux intérêts de la Russie’’.

Peu après une nouvelle information venue de Simféropol annoncait qu’une délégation criméenne avait ouvert des pourparlers avec le gouvernement d’Angora :

“ Un télégramme récemment envoyé par ALI FOUAD Pacha, représentant de la grande Assemblée nationale de Turquie auprès des soviets affirme que la délégation criméenne doit partir vers le commencement du mois de février pour Angora où elle négociera un accord d’amitié avec le gouvernement nationaliste’’.

D’après une correspondance plus récente venue de Constantinople et publiée dans le journal russe de Paris ‘’ Posliednia Novosti’’ du 31 janvier le texte de l’accord avec Moscou aurait déjà paru dans les journaux tartares de Crimée. Il serait ainsi conçu:

1 / ‘’Le gouvernement de Moscou reconnaîs la constitution criméenne élaborée par le kouroultaï (assemblée) de novembre 1917, c’est-à-dire avant l’arrivée des bolcheviks.

2 / Pour l’organisation du pouvoir, Moscou assigne à Simfeéropol 150 milliards de roubles.

3 / La république de Crimée a le droit de conclure des accords économiques avec tous les pays.

4 / l’armistie est accordée à tous les members du kouroultaï ayant pris part à la lutte contre le pouvoir des Soviets en décembre 1918.

5 / L’armée rouge évacue la Crimée. Elle sera remplacé par

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l’armée nationale tatare dont les cadres seront choisis parmi les officiers russes connaissant le tartare. L’ancienne division de cavalerie tatare de Crimée sera reconstituée.

6 / La Crimée aura le droit de construire des lignes de chemins de fer, elle pourra faire du commerce d’exportation et d’importation.

7 / Les tatares pourront occuper des postes de ministres de l’Agriculture, des Finances, de l’Instruction Publique. Les administrations seront sous le contrôle de fonctionnaires tatares’’.

En attendant que soit officiellement proclamé l’indépendance de ce pays, autrefois si riche, la population souffre de l’anarchie du régime et de la faim.

L’opulente petite ville d’Eupatoria, station balnéaire sur la côte de la mer Noire est aujourd’hui ruinée.

De fréquents articles parus dans la presse russe signalent la détresse du pays. La famine a suscité des troubles à Sébastopol; les épidémies signalées par le commissaire à l’Hygiène, Semachko se développent faisant de nombreuses victimes. Pour se procurer des ressources, SEMACHKO préconise de vendre à l'étranger les jouets inutiles qui emplissent les palais de

Crimée : bronzes, tableaux, meubles etc

. Dernièrement une correspondance de Constantinople publiée dans les Posliednia Novosti (31/I-22) presentait la situation en Crimée sous un jour bien sombre:

‘’La livre du pain à Eupatoria coûte 50 000 roubles. Des bandes de tsiganes, habitant la banlieue errent dans les rues de la ville mourant de faim. Les vols sont innombrables surtout la nuit. Les soldats de l’armée rouge, en loques, les pieds nus et mourant de faim attaquent à la tombée de la nuit les habitants et les dépouillent de leurs vêtements. Les communistes ne sont pas exclus ces attaques. Le combustible ayant manqué les portes, les fenêtres des maisons ont été utilisés pour le chauffage’’.

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