Письмо министра иностранных дел Горской Республики Г. Бамматова министру иностранных дел Великобритании А. Бальфуру

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Письмо министра иностранных дел Горской Республики Г. Бамматова министру иностранных дел Великобритании А. Бальфуру

16 мая 1919 г. 

Son Excellence Monsieur Balfour,

secrétaire  d’Etat  aux  Affaires Etrangères

Excellence, 

Immédiatement après la révolution russe, les peuples Nord du Caucase et du Daghestan, ayant exprimé librement leur volonté à l’Assemblée générale de Wladicaucase (Mai 1917) formèrent une Union politique.

Lorsque la révolution bolcheviste a éclaté à Pétrograd (Novembre 1917) cette Union a refusé de reconnaître le nouveau gouvernement russe, a rompu virtuellement toutes les relations avec les centres russes, et entra en guerre contre les bolcheviks.

Dès ce moment, les peuples du Caucase du Nord formèrent un état, créèrent un Parlement et un Gouvernement et existent tout à fait indépendants.

Le 11 Mai 1918, l’indépendance du nouvel état fut notifiée à toutes les puissances.

Le Gouvernement Royal d’Angleterre a reconnu de fait l’existence du Gouvernement Nord-Caucasien par une lettre du Général Thomson, Commandant les Troupes britanniques au Caucase, et représentant des Alliés, datée du 27 Novembre 1918, et adressée au Président de mon Gouvernement. Une mission spéciale sous la conduite du colonel Rolandson était accréditée auprès de mon Gouvernement à Temir-Khan-Choura.

Dans la lettre mentionnée ci-dessus, indiquant la reconnaissance formelle de l’existence de notre état, il était dit que la situation internationale de notre Etat, et toutes les questions litigieuses avec nos voisins: (la Transcaucasie, les Cosaques et le Général Denikine au Nord) seraient réglées par la Conférence de la Paix et le Général Thomson nous demandait de collaborer avec les Cosaques et le Général Denikine contre l’ennemi commun, le bolchevisme.

En même temps, le Général Thomson, au nom des Alliés nous a donné l’assurance que le Général Denikine ne s’immiscera pas dans les affaires de la République Nord-Caucasienne, et il a particulièrement demandé à mon Gouvernement de permettre au Général Denikine de communiquer à travers notre territoire avec le Commandement Anglais à Bakou.

Après avoir reçu les assurances réitérées du représentant de la Grande-Bretagne et des Alliés, en ce qui touchait Denikine, mon Gouvernement a concentré tous ses efforts pour lutter contre les bolcheviks.

Successivement les grandes villes de Wladicaucase et de Grosny qui étaient en possession des bolcheviks, après des combats acharnés, étaient prises (les derniers jours de Janvier) par les troupes Nord-Caucassiennes, sans aucune aide de la part de Denikine ou de tout autre Gouvernement.

Le 10 Février 1919, par une lettre adressée au représentant de notre Gouvernement dans le canton des Ingouches qui ont pris la plus grande part dans la bataille de Wladicaucase le Général Thomson en exprimait ses félicitations et sa reconnaissance pour le sauvetage des officiers britanniques qui étaient tombés entre les mains des bolcheviks, confirmaient une fois de plus, que le Général Denikine a pour but unique la lutte contre les bolcheviks et demandait à nouveau notre aide pour cette lutte et assurait qu’il n’y avait lieu à aucun malentendu entre les peuples Nord-Caucasiens et le Général Denikine.

Cependant la conduite du Général Denikine était en contradiction flagrante avec les assurances du représentant britannique et des alliés. Ses troupes qui étaient dirigées contre Wladicaucase et qui sont venues après la prise de la ville par les troupes du Gouvernement Nord-Caucasien, ont commencé les hostilités contre les troupes d’occupation de mon Gouvernement.

Le Général Denikine a exigé par un ultimatum: le désarmement du peuple Ingouche, la cession de Grosny (centre pétrolifère) à son Gouvernement, l’enrôlement des peuples Caucasiens dans l’Armée Volontaire, le paiement d’une contribution de 120 millions de roubles par celui des Ossètes.

Les troupes de Denikine ont procédé sur le territoire de la République Nord-Caucasienne aux réquisitions forcées du bétail et des produits alimentaires. Enfin, le Général Liakhof, nommé Général Gouverneur de la province du Terek et du Daghestan par Denikine a notifié formellement à mon Gouvernement l’ordre de se dissoudre.

En présence de ces faits inouïs de violation du droit des gens et de l’abus commis par le Général Denikine dans la confiance que la République du Caucase du Nord avait dans les paroles du représentant de l’Angleterre et des Alliés, le Général Thomson, mon Gouvernement avant de recourir à la force des armes a protesté plusieurs fois auprès de lui à Bakou et a demandé son intervention pour éloigner les armées de Denikine du territoire de la République du Caucase du Nord. Toutes ses demandes, auprès du Général Thomson, sont restées sans suite et sans effet.

Entre temps, tous les Gouvernement voisins, notamment de la Géorgie, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, qui ont pris connaissance des évènements du Nord du Caucase ont également protesté auprès du Commandement Anglais, représentant les Alliés.

Le Parlement et le Gouvernement d’Azerbaïdjan ont résolu de prêter à mon Gouvernement leur aide morale et matérielle sans réserve.

Le 27 Mars, trois bourgs non loin de la ville de Grosny, étaient attaqués par les troupes du Général Denikine détruits et saccagés. Les femmes et les enfants étaient abominablement massacrés.

Etant obligé de se defendre contre l’agresseur, mon Gouvernement a lancé un nouvel appel au Général Thomson et ordonné les hostilités.

Les troupes Nord-Caucasiennes ont infligé une sanglante défaite aux troupes des Volontaires et le Général Denikine, était obligé de demander une armistice.

L’action de Denikine, dont les armées étaient organisées par les Alliés et surtout par l’Angleterre pour combattre le bolchevisme contre notre République est un attentat à notre indépendance et aux principes de liberté, de justice et de libre disposition des peuples, principes pour lesquels puissances alliées et associées ont combattu pendant quatre ans; en même temps son action contre nous constitue une trahison dans la lutte que tous les alliés, d’accord avec nous, ont enterpris contre le bolchevisme.

Par conséquent, Excellence, au nom de mon Gouvernement, je proteste de la façon la plus énergique contre l’attentat du Général Denikine à l’égard de notre Pays, et nous demandons au Gouvernement royal d’Angleterre, au représentant duquel le Gouvernement a fait crédit de confiance en vue de la collaboration commune avec Denikine contre les bolchevistes, d’ordonner au dit général afin que celui-ci retire ses armées de notre territoire et qu’il répare les immenses dégâts qu’il nous a causés.

Je me permets d’autre part, de porter à la connaissance de votre Excellence, que tout concours militaire ou financier accordé aux anciens serviteurs des Czars qui ont si mal gouverné l’ancien Empire Russe et qui ont laissé dans la mémoire de tous les peuples de ces contrées de très lugubres souvenirs, fortifie automatiquement et logiquement la situation des bolchevistes.

D’un autre côte, l’action de Denikine contre la République de l’Union a produit dans toutes les Républiques de la Transcaucasie une pénible impression et a soulevé l’indignation des populations qui considèrent l’attentat à l’indépendance de la République de L’Union des Peuples du Caucase du Nord, comme un attentat à leur propre indépendance, car l’histoire et la stratégie leur enseignent que le Maître du Nord du Caucase peut dominer incontestablement sur la Transcaucasie et les autres pays du Sud.

Il résulte clairement des derniers évènements que tout concours accordé de la part du Gouvernement Royal d’Angleterre au Général Denikine qui travaille à la restauration de la Grande Russie une et indivisible dans ses limites d’avant 1914, produit des effets nuisibles aux intérêts supérieurs de l’Angleterre et porte atteinte à son prestige moral, dans cette partie du monde.

Pour ces considérations de la plus haute importance, nous croyons que le Gouvernement Royal d’Angleterre refusera dorénavant tout crédit et tout concours militaire à Denikine qui abuse de sa confiance et qu’au contraire il soutiendra mon Gouvernement dans notre lutte pour notre et contre l’anarchie du bolchevisme.

Ministre des Affaires Etrangères de la République du Nord du Caucase

<<ГАРФ. Ф. Р-6144. Оп. 1. Д. 16. Л. 36–41. Копия.˃˃

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