Обращение председателя делегации и Национального совета мусульман Европейской России и Сибири С. Максудова к Парижской мирной конференции

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Обращение председателя делегации и Национального совета мусульман Европейской России и Сибири С. Максудова к Парижской мирной конференции

10 января 1920 г.

Париж 

Appel à la Conférence de la Paix

Je prends la liberté d’adresser cet appel au Conseil Suprême et à la Conférence de la Paix comme président de la Délégation et du Conseil National des Musulmans de la Russie d’Europe et de Sibérie (de la Région de Volga-Kama et de la Sibérie: Kazan, Astrakan, Orenbourg, Oufa, Perm, Tchelabinsk, Omsk, Irkoustk).

J’ai l’honneur et le devoir de vous exposer dans cet appel l’opinion des Musulmans que je représente en ce qui concerne la paix avec la Turquie.

Ce que je vous écris ici, (en ce qui concerne le sort du Sultan, de la Turquie et de Constantinople), est non seulement l’expression et la traduction fidèle de l’opinion et des sentiments des Musulmans de la Russie d’Europe et Sibérie, mais encore ces Musulmans ont expressément chargé notre délégation de faire parvenir cette opinion et ce sentiment à la connaissance de la Conférence de la Paix.

Mais avant de vous exprimer les voeux des Musulmans de la Russie d’Europe et de Sibérie, je suis obligé de vous exposer l’état d’esprit, l’attitude et les espérances des Musulmans pendant la guerre.

Les Musulmans de Russie se sont de tous temps distingués par leur loyalisme et leur fidélité à l’Etat russe et cela malgré les persécutions dont ils étaient souvent l’objet de la part de la bureaucratie. Pendant la dernière guerre européenne, les soldats musulmans ont été les meilleurs soldats de l'armée russe. Lorsqu’en 1914 l’Allemagne a déclaré la guerre à la Russie, la guerre fut très populaire chez les Musulmans ainsi que chez les Orthodoxes. La mobilisation s’est faite dans les régions musulmanes non seulement avec ordre et avec calme, mais même avec entrain. De sorte que la fraction musulmane de la Douma et le bureau auxiliaire qui ensemble tenaient lieu de Conseil National des Musulmans, n’ont pas eu besoin d’user de leur influence pour préparer les Musulmans á la guerre. Mais lorsque les mauvais bergers de la Turquie, influencés par l’Allemagne ont entraîné malencontreusement ce pays dans la guerre, la masse musulmane de Russie a traversé une crise psychologique profonde. Pourquoi? — Parce que le Sultan de Turquie est considéré par les Musulmans comme leur chef religieux suprême au même titre que le Pape l’est pour les Catholiques. Les Musulmans voulaient bien se battre contre l’Allemagnemais contre le Sultan, le Khalife? — Que répondrait-on devant Allah? C’était un cas de conscience chez le vrai croyant. A un Européen, surtout à un Européen détaché des idées religieuses, cela peut paraître incompréhensible de confondre le sentiment religieux avec le devoir de citoyen et d’hésiter à choisir entre les deux. Mais il faut tenir compte de l’état d’esprit des Musulmans. Le sentiment religieux et comme conséquence 1'attachement au Khalife sont très forts chez les Musulmans dans tous les pays islamiques.

La fraction musulmane de la Douma par l’intermédiaire des chefs religieux a fait tout son possible pour remonter le courant d’opinion qui se dessinait chez la masse musulmane contre la guerre.

Qu’ont-ils dit, les hommes influents et les mullahs à la masse musulmane? Comment ont-ils persuadé les croyants de se battre contre les sujets du Khalife? — en disant tout simplement la vérité. Ils ont dit: “La Turquie a été entraînée dans la guerre malgré le Sultan et malgré le peuple turc par les politiciens infIuencés par l'Allemagne”.

“Le Sultan ne voulait pas la guerre. Notre pays, la Russie, se bat à côté de la France et de l’Angleterre, (l’Italie n’était pas encore alors en guerre); ces deux pays sont les pays les plus démocratiques, les plus libéraux de l’Europe. Aucun pays ne peut résister aux forces réunies de la France, de l’Angleterre et de la Russie, la victoire des Alliés est mathématiquement sûre. Or, la victoire des Alliés c’est le triomphe du libéralisme, du démocratisme et du droit à l’existence pour les peuples petits et grands. Après la guerre victorieuse sous l’influence de nos alliés libéraux, il se fera en Russie de grandes réformes: la Russie deviendra aussi un pays libre. Nous, les Musulmans, nous deviendrons non seulement des citoyens libres, mais encore nous obtiendrons qu’on nous garantisse le respect de nos institutions nationales, de nos écoles, de notre langue; on n’aura plus le courage de refuser ces libertés à un peuple qui a fourni à l’armée russe plus de 800 000 (huit cent mille) bons soldats.

“Quant à la Turquie et au Khalife, elle et lui perdraient beaucoup plus au cas du triomphe de l’Allemagne. L’Allemagne ne veut pas du tout le bien du Sultan et de la Turquie; elle se sert de la Turquie pour elle-même en ce moment-ci, mais, triomphante, l’Allemagne asservirait la Turquie et le Sultan non seulement économiquement mais aussi politiquement et administrativement.

“Quant aux Alliés, ils ne mènent pas une guerre de conquête; ils se battent pour la liberté, pour la justice et pour le droit pour tous les peuples. Les pays alliés, l’Angleterre, la Russie, la France, sont en même temps les plus grandes puissances musulmanes du monde. L’Angleterre a plus de 100 millions de sujets musulmans, la Russie — 30 000 000 et la France — 12 000 000. Même victorieux de la Turquie, les gouvernements de ces pays tiendront toujours compte des sentiments religieux de leurs millions de sujets musulmans et n’oublieront pas la participation loyale et efficace des musulmans de tous les pays islamiques à la guerre. La conduite de leurs sujets musulmans pendant la guerre leur dictera après la victoire beaucoup de ménagement pour la Turquie et le respect pour la personne et la dignité du Khalife. Donc le triomphe des Alliés est désirable non seulement pour les Musulmans de Russie, mais pour la Turquie elle-même”.

Ces idées que j’expose ici sommairement, développées, expliquées dans les réunions et dans la presse musulmane ont eu une influence considérable: Le murmure contre la guerre a cessé. Nous avons pu maintenir la masse et les soldats musulmans dans le calme et la discipline, non seulement jusqu’à la Révolution, mais aussi pendant la Révolution. Il aurait suffi en ce moment d’un mot du Conseil national musulman pour que plus de 800 000 soldats quittent le front. Ils pouvaient le faire impunément, étant donnée la désorganisation qui s’est infiltrée, hélas! dans l’armée russe après la Révolution sous l’action dissolvante du bolchevisme. Parmi les soldats orthodoxes il y a eu des désertions, mais les soldats musulmans sont restés jusqu’au bout fidèles à la Cause des Alliés. Après la démobilisation forcée par les Bolcheviks pas un soldat musulman n’est entré volontairement dans l’armée rouge, jusqu’à ce que l’on les mobilise à nouveau un an après par la force et la terreur. Grâce à notre influence (je parle de celle du Conseil National des Musulmans de Russie d’Europe et de Sibérie) nous avons maintenu la discipline; les Musulmans sont restés fidèles aux Alliés, jusqu’au bout.

Voilà quelle fut l’attitude des Musulmans de Russie pendant la guerre. Maintenant quelles étaient leurs espérances pour après la guerre? Les Musulmans de Russie attendaient de la victoire des Alliés, en dehors de la satisfaction du sentiment patriotique de voir leur pays triompher, deux sortes de récompenses morales: plus de liberté nationale à l’intérieur de la Russie, une attitude indulgente et un traitement juste pour la Turquie et le respect du Sultan — ils croyaient avoir mérité ces récompenses au prix des centaines de mille de leurs enfants tués sur le champ de bataille pour défendre la cause des Alliés.

Les Musulmans de Russie ont été, du moins pour le moment, déçus dans la première partie de leurs espérances. Au lieu de liberté, ils subissent en ce moment la plus abjecte oppression que l’humanité ait jamais connue. Quant à la seconde espérance (traitement juste pour la Turquie et le Sultan) nous sommes devant une question angoissante pour les Musulmans de tous les pays: on parle de chasser le Sultan de Constantinople de la ville que est considérée comme une des villes saintes par tous les Musulmans. Vous trouverez partout en Russie dans toutes les maisons musulmanes la vue lithographique de Constantinople encadrée de versets sacrés.

Les Musulmans comprendront que l’on fasse payer aux Turcs leur part dans les frais de la guerre et que l’on assure des libertés et des droits aux peuples non turcs de la Turquie. Mais les Musulmans croyants ne comprendraient jamais la nécessité de chasser leur chef religieux de sa capitale “La ville aux mille mosquées”. L’effet produit dans le monde musulman de Russie par cette mesure serait immense et désastreux pour le prestige et la popularité des Alliés.

Quelque ménagement, quelque adoucissement de forme que l’on apporte à l’expulsion du Sultan et des Turcs de Constantinople, elle provoquera une consternation générale dans le monde islamique de Russie aussi bien en Europe qu’en Asie.

Ce serait pour les Musulmans de Russie un véritable deuil. Jamais les Musulmans n’auraient subi pareille humiliation. Cette humiliation serait une blessure ineffaçable dans le coeur de tous les Croyants et provoquerait une effervescence dans tous les pays musulmans. Pourquoi nous punit-on dans notre sentiment religieux, diraient-ils, nous qui étions avec les Alliés pendant la guerre? Les Chefs Musulmans qui ont entraîné pendant la guerre la masse musulmane du côté des Alliés ne pourraient plus expliquer à leurs correligionnaires la nécessité de l’expulsion du Khalife. D’ailleurs aucun Musulman n’essaierait même pas d’expliquer ni de justifier une mesure telle que l’expulsion du Khalife de sa capitale. Même s’il s’en trouvait un, personne ne l’écouterait. A partir de cet événement (s’il se produisait) le monde musulman n’aurait plus confiance dans les anciens chefs partisans des Alliés, mais il pourrait étre tentés d’en écouter de nouveaux d’une orientation contraire à l’Entente?

Quelle situation favorable créerait-on ainsi dans les pays musulmans à toutes sortes d’agitations et à la propagande bolcheviste plus particulièrement contre les puissances alliées. Je sais très bien que les Alliés peuvent triompher en ce moment de n’importe quel mouvement qui pourrait se produire contre eux et avec le minimum d’effort. Mais, quand même, au point de vue de l’avenir, quel intérêt auraient l’Angleterre, la France et l’Italie et les autres pays alliés de créer dans le monde, de gaîté de coeur, à côté de l’agitation bolcheviste, encore une effervescence musulmane, en admettant même que c’est sans péril sérieux pour le prestige de puissances alliées? N’est-ce pas risquer tout de même beaucoup pour un résultat d’un avantage problématique pour les Alliés? D’un côté tout un mouvement possible de mécontentement du monde musulman et de l’autre la satisfaction des convoitises agressives de certains peuples impérialistes des Balkans qui ont la hâte d’assister à la tragédie de l’expulsion du chef religieux de tout un monde dans l’espoir que tôt ou tard, ce sont eux qui pourront s’emparer de Constantinople.

Je sais, Messieurs les Délégués, que ma voix a peu de chance d’être entendue. Si je prends néanmoins la parole c’est que pour moi c’est un devoir de conscience comme représentant officiel de 10 millions de Musulmans de la Russie d’Europe et de Sibérie de faire parvenir à la connaissance de la Conférence dans un moment critique pour le Khalife l’opinion et la prière de ceux que je représente.

En prenant la parole dans une question si angoissante et si délicate pour exprimer sincèrement devant la Conférence l’opinion franche et sincère des Musulmans de Russie d’Europe et de Sibérie, j’ai la conscience d’agir non seulement pour le bien des Musulmans et du Khalife, mais de servir en même temps et autant la cause des Alliés et celle de la civilisation. Par devoir religieux et par souci de la tranquillité du monde et de la civilisation, je déroge aujourd’hui à l’habitude musulmane de souffrir en silence. Mais il ne faut pas vous méprendre sur le silence des Musulmans: il y a des silences qui crient.

Je termine donc l’appel que j’adresse à la Conférence en la priant – au nom des 10 millions de Musulmans de la Russie d’Europe et de Sibérie — de rejeter sans hésitation l’idée même d’expulser le Sultan et les Turcs de Constantinople et des provinces turques, car cela serait non seulement un acte dur et injuste au point de vue musulman, mais aussi un acte dangereux, inopportun, gros de conséquences imprévues et imprévisibles au point de vue de la politique mondiale, de l’ordre et de la tranquillité sociale de l’univers.

Sadry Maksoudoff

Président du Conseil National des

Musulmans de la Russie d’Europe et de Sibérie

 

<<Archives du Ministere des Affaires Etrangeres de France. Serie E. Sous-serie Russie d'Asie. Dossier 40. F. 135–142.˃˃

 

Перевод

Обращение к мирной конференции

 

Я беру на себя смелость обратиться с данным воззванием к Верховному Совету и к мирной конференции как глава делегации и Национального совета мусульман Европейской России и Сибири (Волжско-Камский регион и Сибирь: Казань, Астрахань, Оренбург, Уфа, Пермь, Челябинск, Омск, Иркутск).

В соответствии с возложенными на меня обязанностями, имею честь изложить Вам в этом призыве мнение мусульман, которых я представляю, относительно мира с Турцией.

То, что я Вам пишу здесь (относительно судьбы султана, Турции и Константинополя), является не только точным выражением мнения и чувств мусульман Европейской России и Сибири: мусульмане настоятельно просили нашу делегацию довести это мнение и это чувство до сведения мирной конференции.

Однако прежде чем выразить вам пожелания мусульман Европейской России и Сибири, я обязан рассказать об умонастроениях, отношении и чаяниях мусульман в период войны.

Российские мусульмане во все времена отличались своей лояльностью и преданностью российскому государству, несмотря на то, что нередко становились объектом преследований со стороны бюрократии. Во время последней европейской войны солдаты-мусульмане были лучшими солдатами русской армии. Когда в 1914 г. Германия объявила войну России, война была очень популярной как среди мусульман, так и православных. Мобилизация в мусульманских регионах прошла не только спокойно и с соблюдением порядка, но и даже с энтузиазмом. Таким образом, мусульманской фракции Думы и её вспомогательному бюро, заменившим в целом Национальный совет мусульман, не было необходимости пускать в ход своё влияние для подготовки мусульман к войне. Но когда негодные пастыри Турции под влиянием Германии совсем некстати втянули страну в войну, мусульманские массы России пережили период глубокого психологического кризиса. Почему? Потому что турецкий султан рассматривается мусульманами таким же религиозным главой, как папа для католиков. Мусульмане намеревались сражаться против Германии, но сражаться против султана, халифа? Что бы мы сказали, представ перед Аллахом? Для истинно верующих это был вопрос совести. Европейцу, и особенно европейцу, отошедшему от религиозных идей, может показаться непонятным смешивать религиозные чувства с гражданским долгом и колебаться в выборе между ними. Но надо учитывать умонастроения мусульман. Религиозные чувства и, как следствие, привязанность к халифу очень сильны у мусульман во всех исламских странах.

Мусульманская фракция Думы при содействии религиозных глав сделала всё возможное, чтобы поднять мнение мусульман, которое у мусульманской массы склонялось против войны.

Что же сказали мусульманским массам влиятельные лица и муллы? Как удалось им убедить верующих воевать против подданных халифа? Сказав только правду. Они сказали: «Турция была вовлечена в войну политиками, находящимися под влиянием Германии, вопреки воле султана и турецкого народа».

Султан не хотел войны. Наша страна, Россия, сражается на стороне Франции и Англии (Италия тогда ещё не вступала в войну). Обе эти страны являются в Европе самыми демократичными и либеральными странами. Никакая страна не в состоянии противостоять объединённым силам Франции, Англии и России, поэтому победа союзников математически неизбежна. А победа союзников является торжеством либерализма, демократии и права на жизнь для малых и больших народов. После победоносной войны под влиянием наших либеральных союзников в России осуществятся крупные реформы: Россия также станет свободной страной. Мы же, мусульмане, станем не только свободными гражданами, но и добьёмся гарантий в обеспечении уважения к нашим национальным институтам, нашим школам и нашему языку. Никто более не посмеет отказать в этих свободах народу, который дал русской армии более 800 тыс. хороших солдат.

Что касается Турции и халифа, то они потеряют гораздо больше в случае победы Германии. Германия вовсе не желает добра султану и Турции. В настоящее время она использует Турцию в своих целях, но, победив, Германия поработит Турцию и султана не только экономически, но и в политическом и административном отношении.

Что касается союзников, то они ведут не захватническую войну, они сражаются за свободу, за справедливость и за права всех народов. Страны-союзники — Англия, Россия и Франция — в то же время являются самыми крупными мусульманскими державами в мире. Англия обладает более 100 миллионами подданных-мусульман, Россия — 30 миллионами, Франция — 12 миллионами. Даже в случае победы над Турцией правительства этих стран примут во внимание религиозные чувства миллионов своих сограждан-мусульман и не забудут о лояльном и эффективном участии мусульман всех исламских стран в войне. Поведение их сограждан-мусульман во время войны будет способствовать в послевоенный период щадящему отношению к Турции и уважению к личности и достоинству халифа. Итак, победа союзников желательна не только для мусульман России, но и самой Турции».

Эти идеи, излагаемые мной вкратце, были подробно развиты и разъяснены в ходе встреч с мусульманами, а также на страницах мусульманской прессы, и имели значительное влияние. Шептания против войны прекратились. Нам удалось удержать мусульманские массы и солдат-мусульман в спокойствии и дисциплине не только до, но и во время революции. В тот момент достаточно было одного слова мусульманского Национального совета, чтобы более 800 тыс. солдат покинули фронт. Они могли это сделать безнаказанно, принимая во внимание дезорганизацию, увы, просочившуюся в русскую армию после революции под разлагающим действием большевизма. Среди православных солдат были случаи дезертирства, но солдаты-мусульмане до конца оставались верны делу союзников. После принудительной демобилизации, проведённой большевиками, ни один солдат-мусульманин не пошёл добровольно в ряды Красной армии до тех пор, пока год спустя их не мобилизовали силой и террором. Благодаря нашему влиянию (я имею в виду наш Национальный совет мусульман Европейской России и Сибири) мы сохранили дисциплину, мусульмане остались верными союзникам до конца.

Вот каким было поведение российских мусульман в период войны. Каковы их чаяния сейчас, когда война закончилась? Российские мусульмане ожидали от победы союзников, наряду с удовлетворением их патриотических чувств торжества своей страны, морального вознаграждения в двух аспектах: больше национальной свободы в рамках России, а также снисходительного отношения и справедливого обращения с Турцией и султаном. Они считали, что заслужили эти вознаграждения ценой жизни сотен тысяч своих сынов, павших на полях сражений, защищая дело союзников.

Российские мусульмане были, по крайней мере, некоторый период разочарованы в отношении первой части своих надежд. Вместо свободы в настоящий момент они испытывают на себе самый отвратительный гнет из всех известных человечеству. Что касается второй части их чаяний (справедливое отношение к Турции и султану), то перед нами встал вопрос, вызывающий тревогу у всех мусульман мира: говорят о том, чтобы изгнать султана из Константинополя, из города, считающегося святым для всех мусульман. Везде в России, во всех мусульманских домах вы найдёте литографии Константинополя со священными надписями, бережно вставленными в рамки.

Мусульмане поймут то, что турок заставят оплатить свою часть военных репараций и что права и свободы будут предоставлены нетурецким народам Турции. Однако верующие мусульмане никогда не поймут необходимости изгнания их духовного главы из его столицы, считающейся «городом тысячи мечетей». Последствия этой меры в мусульманском мире России будут огромны и разрушительны для престижа и популярности союзников.

Какие бы ни были приняты меры предосторожности, как бы ни старались смягчить сам акт изгнания султана и турок из Константинополя, он вызовет всеобщее потрясение в исламском мире как России, так и Европы и Азии.

Для российских мусульман это будет настоящим трауром. Никогда прежде мусульмане не подвергались такому унижению. Это унижение останется незаживающей раной в сердцах всех верующих и найдет отклик во всех мусульманских странах. Почему же нас так наказывают в наших религиозных чувствах? — спросят они. Нас, которые были с союзниками во время войны? Главы мусульман, которые в ходе войны вовлекли мусульманские массы в ряды союзников, не смогут более объяснить своим собратьям по религии необходимость изгнания их халифа. Впрочем, никто из мусульман даже не попытается ни объяснить, ни оправдать такую меру, как изгнание халифа из своей столицы. Даже если таковой и найдется, никто его не станет слушать. И это событие (если оно произойдёт) станет для мусульманского мира началом недоверия к своим бывшим главам — сторонникам союзников. Может случиться и то, что он подвергнется искушению слушать новых [глав], но теперь уже из стана противников Антанты.

Каким же благоприятным создастся, таким образом, положение в мусульманских странах для появления там всевозможных волнений и большевистской пропаганды, в особенности пропаганды, направленной против союзных держав! Я хорошо знаю, что в настоящее время союзники способны с минимальной затратой усилий одержать победу над любым движением, которое может возникнуть против них. Однако все же, если смотреть с позиции завтрашнего дня, каков интерес Англии, Франции, Италии и других стран-союзников в том, чтобы вновь невольно взбудоражить мусульманский мир на фоне большевистских волнений, даже если допустить, что это не несёт серьёзной угрозы престижу союзных держав? Стоит ли идти на такой риск, если результат выгоды проблематичен для союзников? С одной стороны, любое возможное движение недовольства мусульманского мира, с другой, — удовлетворение агрессивных вожделений некоторых империалистических народов Балкан, которые в надежде, что рано или поздно смогут завладеть Константинополем, спешат стать свидетелями трагедии изгнания главы религиозного сообщества мировой величины.

Я знаю, господа делегаты, что у моего голоса мало шансов быть услышанным. И если я всё же взял слово, то только потому, что для меня является долгом совести, в качестве официального представителя 10 миллионов мусульман Европейской России и Сибири довести до сведения конференции, в критический для халифа момент, мнение и мольбу тех, кого я представляю.

Взявшись говорить по такому деликатному и вызывающему тревогу вопросу с тем, чтобы искренне выразить участникам конференции открытое и честное мнение мусульман Европейской России и Сибири, я понимаю, что действую не только во благо мусульман и халифа, но защищаю также дело союзников и цивилизации. Исходя из чувства религиозного долга, а также заботясь о спокойствии мира и цивилизации, я сегодня отступаюсь от мусульманского обычая страдать молча. Но вам не следует заблуждаться относительно молчания мусульман: иногда молчание кричит.

Я завершаю свой призыв, обращенный к конференции, с просьбой от имени 10 миллионов мусульман Европейской России и Сибири отбросить без колебания саму мысль об изгнании султана и турок из Константинополя и турецких провинций, так как это было бы не только проявлением акта жестокости и несправедливости в глазах мусульман, но также опасным и нецелесообразным шагом, чреватым непредсказуемыми и неожиданными последствиями, с точки зрения мировой политики и общественного порядка и спокойствия в мире.

Садри Максудов,

председатель Национального совета мусульман Европейской России и Сибири

 

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