Письмо А.М. Чермоева Ж. Клемансо
Transcription
Письмо А.М. Чермоева Ж. Клемансо
17 января 1920 г.
Париж
Monsieur le Président de la Conférence de la Paix
Excellence,
En complément du mémorandum de la République Nord-Caucasienne, en date du 9 Mai 1919, adressé au Président de la Conférence de la Paix, je me fais un devoir d’attirer votre bienveillante attention sur le fait que la reconnaissance des Etats voisins, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, rend la question de l’indépendance de la République Nord-Caucasienne excessivement grave et importante.
Les peuples de la Circassie et du Daghestan, c’est-à-dire les Montagnards du Caucase du Nord, qui ont lutté pour leur indépendance contre les Bolchevistes du mois de Novembre 1917 jusqu’au mois de Février 1919, période à laquelle les Bolchevistes furent définitivement expulsés du Caucase sont de nouveau forcés, par les évènements actuels, à faire face aux Bolchevistes et de défendre les armes à la main leur territoire contre la nouvelle offensive.
Dans ce moment psychologique, le plus grand soutien de nos peuples dans la lutte contre le Bolchevisme — c’est-à-dire la reconnaissance par l’Entente de leur indépendance leur est ôté. Ce soutien leur sera peut-être offert par les Bolchevistes eux-mêmes. Au mois de Février 1919, nos peuples ont refusé l’offre des Soviets de reconnaître l’indépendance de la République Nord-Caucasienne, mais cette fois, se trouvant abandonnés au hasard de la Providence, ils accepteront peut-être les avances bolchevistes. L’alliance de nos peuples aux Bolchevistes, ou même leur neutralité pendant le mouvement offensif contre la Transcaucasie pourrait avoir de graves conséquences pour l’Azerbaïdjan et la Géorgie; ce que pourrait en découler peut vous être éclairci et confirmé ici-même par des représentants de ces deux républiques, qui sont au courant non seulement de la situation politique, qui serait provoquée par des conditions pareilles, mais qui comprennent aussi très bien la signification stratégique d’un tel pas.
Si au contraire, les Puissances Alliées reconnaissaient l’indépendance de la République Nord-Caucasienne en même temps que celles de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie, le mouvement des Bolchevistes vers la Transcaucasie ne pourrait se développer car il ne faut pas oublier que, depuis le coup d’Etat Bolcheviste, l’idée d’une Confédération du Caucase (Géorgie—Azerbaïdjan—Nord-Caucase) est très populaire parmi les peuples de ces trois républiques.
Les intérêts communs des susdites républiques, nous donneraient la possibilité de joindre nos efforts et, avec l’aide des Puissances Alliées en qui concerne l’armement et les instructeurs militaires nous pourrions organiser un front commun contre les Bolchevistes et occuper une ligne passant par les rivières Terek et Malka, ce qui nous donnerait une excellente position stratégique. Une seconde ligne de défense contre les Bolchevistes pourrait être créée en fortifiant les quatre défilés de la chaîne des Montagnes du Caucase et même si ces deux lignes tombaient aux mains des Bolchevistes, on peut affirmer avec confiance que le passage d’un grand contingent militaire serait impossible, car les Montagnards qui habitent ces deux côtés des défilés et qui, par conséquent, resteraient sur les arrières des Bolchevistes, mèneraient une guerre partisane acharnée.
Je suis profondément convaincu que si la Conférence de la Paix abordait cette question sous ce point de vue elle se verrait forcée de reconnaître de facto l’indépendance de la République Nord-Caucasienne.
Le Gouvernement de la République du Caucase du Nord fut reconnu le 27 Novembre 1918 par le Général Thomson, représentant du Gouvernement anglais au Caucase.
Notre Ministre des Affaires Etrangères a été reconnu comme tel par tous les Alliés. Nos armées ont lutté ensemble contre les Bolchevistes, de Novembre 1917 jusqu’en Février 1919. Nos passeports diplomatiques ont été visés par tous les Alliés à plusieurs reprises.
D’après les derniers renseignements, notre Parlement après avoir été forcé par le Général Denikine, à quitter au mois de Juin 1919 notre capitale provisoire Temir-Khan-Shoura s’est réuni dans la forteresse de Vedieno et y a élu un Gouvernement qui dirige la vie civile de nos Montagnards ainsi que leur attitude contre les agressions de l’armée volontaire.
Prenant en considération ce qui vient d’être porté à la connaissance de Votre Excellence, je crois de mon devoir de déclarer que la reconnaissance de facto de notre indépendance n’est plus une question internationale ordinaire, mais à mon avis une question qui ne peut se résoudre que de deux façons et c’est à la Conférence de la Paix de décider de notre sort: ou elle jettera nos montagnards guerriers dans les bras des Bolchevistes ou bien, en reconnaissant notre indépendance, elle sera â même de prendre place aux côtés des Puissances Alliées, symbole de la civilisation, dans la lutte contre le Bolchevisme destructeur.
Donc, des raisons d’ordre stratégique, politique et moral semblent conseiller aux Puissances Alliées la reconnaissance d’un Etat de fait qui leur est favorable. Mais si par malheur cela n’était pas, je veux dès à présent, déclarer que la responsabilité des évènements qui surviendraient ne pourra pas être attribuée aux Représentants de la République du Caucase du Nord ou à ses vaillantes populations.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma plus haute considération.
Le Président
<<ГАРФ. Ф. Р-6144. Оп. 1. Д. 16. Л. 94–97. Копия.˃˃