Lettre de l'ambassade de France en Pologne au ministre des Affaires Etrangeres à Paris Letter from the French Embassy in Poland to the Minister of Foreign Affairs in Paris

Transcription

Varsovie, le 7 mars 1929

Ambassade de la République Française en Pologne

Direction des Affaires politiques et commercial

Europe

N-108

<<Stamp: CONFIDENTIAL>>

<<Stamp:<<Affaires Etrangères Cabinet du Ministre  17 mars 1929 CHEF DU CABINET>>

Angora ft pl le 20 Mars 1929 pb le 20 Mars 1929 Mr Sicard

L’Ambassade de France en Pologne à son excellence Monsieur le ministre des Affaires Etrangères Paris

M. Rochat [pencil]

Les quelques informations que j’ai pu discrètement recueillir sur M. Djafer Seidamet, confirment celles que votre Excellence a bien voulu me donner dans sa dépêche numéro 102 du 6 février.

Il est en rapports avec les Ukrainiens résidant en Pologne et sympathiques au Gouvernement Polonais ; en ce moment même on me signale sa présence à Varsovie; on m’a dit aussi qu’il était ici il y a un mois, et que dans l’interval il s’est rendu à Paris; ces renseignements sont de source ukrainienne.

Je ne sais comment concilier avec l’information suivante suivant laquelle Djafer Seidamet aurait à

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Constantinople à l’emploi au Monopole des allumettes (on dit même qu’il serait directeur de ce monopole). Deux voyages en Pologne séparés par un séjour à Paris supposent plus de loisirs que n’en a d’habitude le chef d’une administration d’Etat. En tout cas il doit être facile de vérifier à Constantinople si Djafer Seidamet  y a vraiment sa résidence et ses  occupations.

Notre ambassadeur à Angora pourrait peut-être savoir aussi si Djafer Seidamet est en contact avec Kemal Pacha, comme le croient les Ukrainiens de Pologne.

Avec ceci ses relations paraissent établies depuis plusieurs années: il semble qu’il est séjourné à Kieff, du temps de Petlicara, Comme représentant ou agents de la Crimée. Il est resté en contact avec les débris de ce parti ukrainien, maintenant dirigé par M. André Lewicki dont j’ai eu l’occasion de citer le nom en entretenant votre excellence des espérances et des visées des réfugiés Ukrainiens  en Pologne.

Je me suis abstenu de parler de Djafer Seidamet aux personnalités polonaises qui auraient pu me renseigner sur son compte, précisément parce que nos informations, comme celles de Votre Excellence montrent le « représentant de la Crimée » comme un protégé ou un client de la Pologne. On m’a cité un fait  précis : à la requête un certain nombre d’officiers Tatares auraient été enrôlés dans l’armée polonaise. Je pourrais à l’occasion et en évitant des interrogations directes amener la conversation sur lui.

Il ne doit pas être impossible d’ailleurs d’obtenir à Paris même, des indications sur son activité: n’y a-t-il pas publié un livre intitulé : ‘’ la question de Crimée”? C’est du moins ce qu’on me dit.

<<l.153>>

On ajoute qu'il a des relations en Italie, notamment avec la Croix-Rouge, qui à une certaine époque, s'est intéressée aux Tartares de Crimée. Il semble aussi que le gouvernement Roumain soit plus ou moins directement en rapport avec lui, au sujet d'un plan formé par lui et consistant à ramener un jour en Crimée les Tartares de la Dodrudja.

Pour l’instant Djafer Seidamet cherche à s’opposer à la colonisation juive que les soviets poursuivent, paraît-il, en Crimée, et il met au service de son idée nationale la considération personnelle qu’il s’est acquis, ses amis ukrainiens l’affirment, par son intelligence, son énergie et sa bonne foi. Je ne fais naturellement que répéter ce qu’il m’a été rapporté.

En somme, et même en accordant à Djafer Seidamet tout le crédit que ses amis réclament pour lui, il n’apparait à l’heure actuelle que comme l’un des agents de dissociation de l’Union Soviétique comme il s’en rencontre un peu partout.

Ce qui, dans son cas, et peut-être le plus intéressant, c’est la sympathie qu’il a pu trouver - à supposer qu’elle existe vraiment  - chez Kemal Pacha. Cela supposerait qu’à Angora, en dépit des bons rapports avec Moscou, on manège l’avenir et et qu’on ne s ‘interdit pas de pas d’user de moyens semblables à ceux qu’on tient en réserve à Varsovie très discrètement d’ailleurs./.

Signature: J. Lumi

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